Règles de RDEIF proposées
FiscAlerte 2022 numéro 13, 9 mars 2022
Le 4 février 2022, le ministère fédéral des Finances a publié, aux fins de consultation publique, un ensemble de propositions législatives pour mettre en œuvre diverses mesures fiscales. Ces mesures comprennent des règles visant à limiter à une certaine proportion des bénéfices le montant des dépenses d’intérêts et des autres dépenses de financement que les entreprises peuvent déduire aux fins de l’impôt, comme il avait déjà été annoncé dans le budget fédéral de 2021. Ces nouvelles règles sont appelées « règles de restriction des dépenses excessives d’intérêts et de financement » (« RDEIF »).
L’objectif avoué des règles de RDEIF est de répondre aux préoccupations liées à l’érosion de la base d’imposition et au transfert de bénéfices découlant de la déduction, par des contribuables, de dépenses excessives d’intérêts et de financement, principalement dans le cas des entreprises multinationales et des personnes qui effectuent des investissements transfrontaliers, préoccupations soulevées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») et le G20 dans leur rapport sur l’action 4 du projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (le « projet BEPS »). Toutefois, les règles de RDEIF peuvent également s’appliquer aux entreprises exclusivement canadiennes, sous réserve de certaines exceptions. Il convient aussi de noter que les règles de RDEIF peuvent s’appliquer parallèlement à d’autres restrictions, comme les règles de capitalisation restreinte, les règles sur les prix de transfert prévues à l’article 247 et d’autres règles en vigueur.
Les règles de RDEIF sont composées de deux ensembles de dispositions qui déterminent le montant des dépenses nettes d’intérêts et de financement non déductibles, lequel correspond à l’excédent des dépenses d’intérêts et de financement (les « DIF ») sur les revenus d’intérêts et de financement (les « RIF »). Très sommairement, en vertu des règles du ratio fixe, qui s’appliquent par défaut, les dépenses nettes d’intérêts et de financement peuvent être déduites jusqu’à concurrence d’un pourcentage fixe du « revenu imposable rajusté » (le « RIR », qui constitue une approximation du bénéfice avant intérêts, impôts et dotations aux amortissements (« BAIIDA ») fiscal) pour l’année. Ce ratio fixe, appelé « ratio des dépenses admissibles » d’un contribuable, sera généralement de 40 % pour la ou les premières années d’imposition (les années d’imposition qui commencent le 1er janvier 2023 ou après, et avant le 1er janvier 2024) et de 30 % pour les années d’imposition qui commencent le 1er janvier 2024 ou après (sous réserve d’une règle anti-évitement qui s’applique si le contribuable raccourcit délibérément une année d’imposition pour profiter du ratio de 40 %).
Lorsque les conditions sont remplies et qu’un groupe de sociétés et/ou de fiducies en fait le choix, un « ratio de groupe » plus élevé peut s’appliquer au lieu du ratio fixe. Dans certains cas, les règles du ratio de groupe peuvent s’appliquer à une société unique ou à un groupe exclusivement canadien.
De façon générale, le choix du ratio de groupe permet à un contribuable de déduire des DIF en sus du ratio fixe, pourvu que le contribuable soit membre d’un groupe consolidé aux fins comptables dont le ratio des dépenses nettes d’intérêts payés à des tiers par rapport au BAIIDA comptable dépasse le ratio fixe et que le groupe soit en mesure de le démontrer à l’aide de ses états financiers consolidés audités. Dans les propositions, un « groupe consolidé » est défini comme une mère ultime et toutes les entités qui sont entièrement consolidées dans les états financiers consolidés de la mère, ou qui le seraient si le groupe était tenu de préparer de tels états en vertu des normes internationales d’information financière (« IFRS »).
Les règles de RDEIF sont exhaustives et détaillées : elles occupent environ 28 pages des propositions législatives et font l’objet d’une analyse utile de près de 80 pages dans les notes explicatives publiées avec celles-ci.
Nous faisons également remarquer que, telles qu’elles sont actuellement libellées, les règles de RDEIF soulèvent un certain nombre de préoccupations, notamment d’ordre technique, dont certaines sont abordées ci-après.
La date limite pour soumettre des commentaires relativement aux règles de RDEIF proposées est le 5 mai 2022.
Contribuables visés : Les règles de RDEIF s’appliquent à tout contribuable qui n’est pas une « entité exclue ». Les entités suivantes sont exclues :
- Les sociétés qui sont des sociétés privées sous contrôle canadien tout au long de l’année et qui, avec toute société associée, ont un capital imposable utilisé au Canada inférieur à 15 millions de dollars (soit la limite supérieure de la fourchette d’élimination progressive pour la déduction accordée aux petites entreprises)
- Les sociétés ou les fiducies qui font partie d’un groupe de sociétés et de fiducies affiliées résidant au Canada (chacune une « entité admissible du groupe ») dont le total des dépenses nettes d’intérêts et de financement s’élève à 250 000 $ ou moins
- Certaines sociétés et fiducies autonomes résidentes du Canada ainsi que les groupes composés exclusivement de sociétés et de fiducies résidentes du Canada qui remplissent des conditions précises (que la presque totalité de chaque entreprise soit exploitée au Canada, qu’aucune société non-résidente ne soit une société étrangère affiliée d’un membre du groupe, ou ne détienne une participation importante dans un membre du groupe, et qu’aucun membre du groupe n’ait un montant important de DIF payables à un « investisseur indifférent relativement à l’impôt » (s’entend généralement des non-résidents du Canada et des entités exonérées d’impôt))
Dépenses d’intérêts et de financement : Conformément à l’annonce faite dans le budget de 2021, le montant de DIF qui doit être pris en considération correspondra généralement à l’excédent de ces dépenses sur le total des RIF pour l’année. Ce sont les dépenses nettes d’intérêts et de financement qui comptent. Ainsi, chaque dollar de RIF devrait permettre de déduire un dollar de DIF, tandis que le RIR du contribuable permet de déduire un montant équivalant seulement au ratio des dépenses admissibles.
À ces fins, les DIF englobent généralement les sommes (autres que les « intérêts exclus») payées ou payables, pour une année, à titre d’intérêts, ainsi que certaines autres sommes. Voici certaines des autres sommes incluses dans les DIF :
- Certains coûts de financement
- Les montants d’intérêts prenant naissance au cours de l’année qui ont été capitalisés et inclus dans la déduction pour amortissement (« DPA ») ou ajoutés à certains comptes de dépenses relatives à des ressources.
- Les montants payés ou payables, ou les pertes subies, en vertu de certaines conventions ou de certains arrangements qui peuvent raisonnablement être considérés comme faisant partie du coût de financement du contribuable, ou d’une personne ou société de personnes ayant avec le contribuable un lien de dépendance, et les dépenses liées à ceux-ci (notamment les montants payés ou payables en vertu de certains dérivés de couverture ou de financement ou, selon toute vraisemblance, de conventions qui prévoient le paiement de montants qui ne constituent pas techniquement des intérêts, mais qui sont semblables à des intérêts sur le plan économique)
- Les intérêts théoriques relativement à certains baux
Revenus d’intérêts et de financement : Selon la définition, les RIF englobent certains revenus d’intérêts, les revenus provenant des frais de garantie et d’autres frais semblables, certains revenus locatifs, ainsi que certains montants gagnés en vertu d’une convention ou d’un arrangement conclu relativement à un prêt consenti, ou d’autres financements fournis, par le contribuable.
Il convient toutefois de noter que le paragraphe 18.2(12) énonce qu’aucune somme reçue ou à recevoir par un contribuable d’une personne ou société de personnes avec laquelle il a un lien de dépendance n’est incluse dans le calcul de ses RIF, sauf dans la mesure où elle est incluse dans le calcul des DIF d’une société canadienne imposable ou d’une fiducie qui est un résident du Canada et qui est assujettie à l’impôt en vertu de la partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (la « LIR »). Selon le libellé des propositions législatives, les intérêts reçus par le contribuable de non-résidents avec lesquels il a un lien de dépendance semblent être exclus du calcul des RIF. S’ils sont exclus des RIF, ces montants seraient inclus dans le RIR, ce qui donnerait lieu à un taux de déduction possible de 30 %, plutôt que de 100 % (s’ils étaient inclus dans les RIF). Notamment, selon le libellé actuel, ne pourraient être considérés comme des RFI les intérêts payés par un non-résident relativement à une succursale imposable au Canada lorsque les intérêts payés sont eux-mêmes évalués au regard des règles de RDEIF, ce qui pourrait donner lieu à un double refus de déduction. Il en serait de même si une société mère canadienne, qui agit à titre d’entité orientée vers le marché pour un groupe de sociétés, emprunte de l’argent sur le marché (et engage donc des DIF), qu’elle prête ensuite à ses sociétés étrangères affiliées.
À notre avis, l’effet du paragraphe 18.2(12), dans sa forme actuelle, ne semble pas conforme aux recommandations finales contenues dans le rapport sur l’action 4 du projet BEPS, qui mentionne que les intérêts payés par une filiale étrangère devraient être inclus dans le calcul des dépenses nettes d’intérêts et de financement de la société mère. Nous nous attendons à ce que le ministère des Finances fournisse des précisions concernant le paragraphe 18.2(12).
Intérêts exclus : Lorsque certaines conditions sont remplies, les intérêts payés ou payables relativement à une dette entre deux sociétés admissibles du groupe (qui sont des sociétés canadiennes imposables) peuvent, si les sociétés admissibles du groupe pertinentes en font le choix, être considérés comme des « intérêts exclus ». Les intérêts exclus n’ont pas à être inclus dans les RIF du bénéficiaire, ni dans les DIF du contribuable qui les paie (et demeurent donc inclus dans le calcul du RIR). Cela garantit que la déduction d’un montant d’intérêts donné ne sera pas refusée au contribuable qui paie les intérêts (sans qu’aucune capacité supplémentaire soit attribuée au bénéficiaire), ce qui pourrait être utile dans le cadre de la mise en œuvre d’arrangements traditionnels de planification des pertes intragroupes, en permettant, dans les faits, un transfert du RIR entre les membres du groupe.
Revenu imposable rajusté : Le RIR est défini comme le revenu imposable du contribuable, rajusté en fonction de certains montants. Plus précisément, il s’agit de la somme obtenue par la formule suivante : A + B – C.
Aux fins de cette formule, l’élément A représente la somme positive ou négative qui correspond généralement au revenu imposable du contribuable pour l’année (avant l’application de ces règles), moins sa perte autre qu’une perte en capital (aussi avant l’application de ces règles) et sa perte en capital nette pour l’année, s’il y a lieu. Le montant du RIR est notamment calculé après déduction des montants réclamés à l’égard de dividendes en vertu de l’article 112 (dividendes de sociétés canadiennes) ou de l’article 113 (dividendes de sociétés étrangères affiliées), ainsi que des montants réclamés en vertu du paragraphe 91(4) à l’égard de l’impôt étranger accumulé applicable au revenu étranger accumulé, tiré de biens (« REATB ») ou en vertu du paragraphe 91(5) à l’égard de dividendes payés à partir du REATB déjà imposé. Il est également réduit des pertes d’une année précédente déduites dans l’année en cours en vertu de l’article 111, sous réserve d’un rajout en vertu de l’alinéa g) de l’élément B, dans la mesure où une perte autre qu’une perte en capital subie au cours de cette année précédente est attribuable aux déductions au titre des DIF pour cette même année, comme il est exposé ci-dessous.
L’élément B permet de rajouter un certain nombre de montants afin de renverser l’incidence, sur le RIR du contribuable, des DIF déduites, des montants de DPA déduits en vertu de l’alinéa 20(1)a), des montants déduits en vertu de l’alinéa 110(1)k) (à l’égard de l’impôt de la partie VI.I) ou du nouvel alinéa 111(1)a.1) (à l’égard des DIF restreintes d’années précédentes réclamées dans l’année en cours) et des montants gagnés par une fiducie mais déduits en vertu du paragraphe 104(6) à titre de montants attribués aux bénéficiaires de la fiducie. Des rajouts sont également prévus pour tenir compte de certains montants versés par l’intermédiaire de sociétés de personnes et d’éléments des pertes d’une autre année déduites dans l’année en cours. Plusieurs problèmes d’ordre technique et autre pourraient se poser à cet égard.
Par exemple, même si des montants d’intérêts capitalisés et portés à certains comptes de ressources peuvent être expressément refusés en vertu des règles, de tels montants qui ont pu être capitalisés et déduits ne sont pas rajoutés à ces fins. D’autres problèmes touchent la façon dont les rajouts tiennent compte d’éléments des pertes d’une autre année déduites dans l’année en cours. En particulier, les pertes attribuables à la DPA pourraient ne pas être adéquatement prises en considération.
L’élément C a pour effet de renverser l’inclusion de plusieurs montants dans le calcul du revenu imposable du contribuable. Parmi ces montants, mentionnons les RIF, le revenu étranger visé par les crédits d’impôt demandés en vertu des paragraphes 126(1) et (2), le revenu imposable théorique en application de l’article 110.5, les montants inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire d’une fiducie en vertu du paragraphe 104(13), ou encore le revenu qui n’est pas par ailleurs assujetti à l’impôt de la partie I parce qu’il est exonéré d’impôt en vertu de la LIR ou d’une autre loi fédérale. Des problèmes d’ordre technique et autre peuvent se poser ici aussi. Par exemple, il semble y avoir un problème de circularité en ce qui concerne le revenu étranger, puisque les DIF déductibles d’un contribuable pourraient avoir une incidence sur le montant des crédits d’impôt auxquels celui-ci pourrait avoir droit en vertu des paragraphes 126(1) et (2); or, il faut d’abord tenir compte des crédits d’impôt pour déterminer le montant des DIF déductibles.
Capacité excédentaire cumulative inutilisée : La « capacité excédentaire cumulative inutilisée » d’un contribuable correspond à sa « capacité excédentaire » pour l’année et pour les trois années précédentes, ce qui, dans les faits, permet un report rétrospectif triennal des DIF refusées pour une année. Toutefois, il s’agit techniquement d’un report prospectif de la capacité vers l’année en cours, plutôt que d’un report rétrospectif des DIF vers les années précédentes.
En termes généraux, la capacité excédentaire pour une année d’imposition donnée correspond à l’excédent éventuel du montant maximal que le contribuable est autorisé à déduire au titre des DIF pour l’année (le ratio fixe multiplié par son RIR, plus ses RIF pour l’année) sur ses DIF réelles pour l’année. Un contribuable est considéré comme n’ayant pas de capacité excédentaire pour une année d’imposition dans laquelle il est assujetti au ratio de groupe. La capacité excédentaire inutilisée d’un contribuable est la portion qui n’a pas été utilisée pour déduire les DIF du contribuable pour une autre année ou qui n’a pas été transférée à un autre membre du groupe au cours d’une année antérieure. Il existe à cette fin une règle d’application selon laquelle le contribuable doit d’abord utiliser son propre solde de capacité excédentaire cumulative inutilisée à titre de capacité absorbée (pour réduire sa propre position par rapport au plafond de déduction d’intérêts) avant de transférer tout solde restant. Le résultat (la capacité excédentaire cumulative inutilisée) représente le montant maximal que le contribuable peut transférer à d’autres sociétés canadiennes imposables admissibles du groupe au cours de l’année en question.
La capacité excédentaire pour toute année à laquelle les règles de RDEIF ne s’appliquent pas (une année antérieure au régime) est généralement réputée nulle. Toutefois, nous présentons ci-après une analyse portant sur le choix pouvant être fait quant à l’application de certaines règles transitoires afin de déterminer la capacité excédentaire cumulative inutilisée pour une année d’imposition donnée, approche qui peut supposer un report prospectif de la capacité excédentaire pour les années antérieures au régime.
Transfert de la capacité excédentaire cumulative inutilisée : Les conditions qui doivent être remplies pour que la capacité excédentaire cumulative inutilisée puisse être transférée par un cédant à un cessionnaire sont énoncées dans le nouveau paragraphe 18.2(4). Voici certaines des conditions pertinentes :
i) L’année d’imposition du cédant se termine dans l’année d’imposition du cessionnaire.
ii) Le cédant et le cessionnaire sont des sociétés canadiennes imposables (une fiducie ne peut agir à titre de cédant ou de cessionnaire) qui sont aussi des sociétés admissibles du groupe relativement à chacune d’elles et qui ont la même monnaie de déclaration (au sens du paragraphe 261(1)).
iii) Le cédant n’est pas une institution financière pertinente (au sens des propositions législatives).
iv) Le cédant et le cessionnaire présentent un choix, sur le formulaire prescrit, à l’intérieur des délais prévus.
v) Le cessionnaire produit une déclaration de renseignements (conformément au nouveau paragraphe 18.2(5)) pour l’année civile dans laquelle son année d’imposition se termine. Cette déclaration de renseignements doit être produite au plus tard le 30 juin suivant la fin de l’année civile en question.
Il existe également une règle d’application selon laquelle la capacité absorbée ou la capacité transférée doit être utilisée selon le principe du « premier arrivé, premier sorti » (c’est-à-dire que la capacité excédentaire inutilisée des années pertinentes doit d’abord être appliquée à la première année, puis à l’année suivante, et ainsi de suite).
Société admissible du groupe : Seules les sociétés qui sont des « sociétés admissibles du groupe » l’une à l’égard de l’autre peuvent considérer un paiement d’intérêts effectué entre elles comme des « intérêts exclus » ou choisir, en vertu du nouveau paragraphe 18.2(4), de transférer entre elles la capacité excédentaire.
À ces fins, une société admissible du groupe est, en ce qui concerne une société donnée résidant au Canada, à un moment donné, une autre société résidant au Canada qui, selon le cas : i) est, à ce moment, liée (autrement qu’à cause d’un droit visé à l’alinéa 251(5)b)) à la société donnée; ou ii) serait, à ce moment, affiliée à la société donnée si l’article 251.1 s’appliquerait s’il n’était pas tenu compte de la définition de contrôlé au paragraphe 251.1(3).
Report prospectif de DIF refusées : Les DIF refusées en vertu du nouveau paragraphe 18.2(2) (et les sommes incluses en vertu du nouvel alinéa 12(1)l.2) relativement à la part du membre dans les DIF refusées de la société de personnes, volet qui n’est pas abordé dans le présent document) peuvent être reportées prospectivement sur une période de 20 ans. Ces « DIF restreintes » ne peuvent pas être reportées rétrospectivement, mais le report prospectif de la capacité excédentaire cumulative inutilisée sur trois ans permet d’obtenir un résultat semblable.
Le report prospectif des DIF restreintes est prévu par le nouvel alinéa 111(1)a.1). Cette déduction est permise dans deux situations, selon l’ordre suivant : tout d’abord, un contribuable peut déduire ses propres DIF restreintes jusqu’à concurrence de sa capacité excédentaire pour l’année; ensuite, le contribuable peut déduire des montants jusqu’à concurrence de la capacité excédentaire cumulative inutilisée transférée par une autre société admissible du groupe. Un contribuable doit utiliser sa capacité inutilisée avant de pouvoir recevoir une capacité transférée.
Règles transitoires facultatives pour la capacité excédentaire cumulative inutilisée : Un ensemble de règles transitoires est prévu pour déterminer la capacité excédentaire cumulative inutilisée d’un contribuable pour une année d’imposition. Comme il est mentionné ci-dessus, la capacité excédentaire cumulative inutilisée d’un contribuable pour une année d’imposition est déterminée en fonction de la capacité excédentaire pour l’année et les trois années précédentes. Pour les années antérieures au régime, la capacité excédentaire est généralement réputée nulle, de sorte que les contribuables ne peuvent reporter prospectivement des montants des années antérieures au régime au moment de déterminer leur capacité excédentaire cumulative inutilisée pour une année du régime. Toutefois, si le contribuable et toutes les autres sociétés admissibles du groupe relativement au contribuable en font le choix conjoint, et qu’ils présentent ce choix au ministre au plus tard à la date d’échéance de production qui est applicable au contribuable pour sa première année d’imposition au cours de laquelle les règles de RDEIF s’appliquent, un ensemble de règles transitoires s’applique.
De façon très générale, les règles transitoires sont conçues pour permettre de déterminer chaque montant qui constitue la « capacité excédentaire nette du groupe » pour chacune des années antérieures au régime. Le mécanisme est complexe, mais il peut être résumé ainsi, en termes très simples : pour déterminer la capacité excédentaire nette du groupe, il faut déterminer, pour chacune des années antérieures au régime, les « intérêts excédentaires » ou la « capacité excédentaire déterminée par ailleurs » de chaque société admissible du groupe. La capacité excédentaire nette du groupe pour une année antérieure au régime correspond généralement à l’excédent du total de toute cette capacité excédentaire déterminée par ailleurs pour l’année antérieure au régime sur le total des intérêts excédentaires de ces sociétés admissibles du groupe pour cette même année. Toutefois, les résultats réels pourraient ne pas correspondre à cette description, vu les nuances et les complexités. Une fois la capacité excédentaire nette du groupe déterminée pour chaque année antérieure au régime, parmi les conditions devant être remplies pour qu’un choix valide puisse être présenté, il faut notamment que ce montant soit attribué, dans ce choix même, aux sociétés admissibles du groupe. En d’autres mots, les montants doivent être connus et communiqués dans le choix pour que celui-ci soit valide.
Il convient de noter que le groupe doit effectuer deux attributions dans son choix conjoint : une pour la capacité excédentaire nette du groupe déterminée à l’aide du ratio de 40 % (utilisée pour déterminer la capacité excédentaire cumulative inutilisée pour toute année du régime au cours de laquelle le ratio de 40 % s’applique), et l’autre pour la capacité excédentaire nette du groupe déterminée à l’aide du ratio de 30 % (utilisée pour toute année d’imposition au cours de laquelle le ratio de 30 % s’applique). Ainsi, il faudra effectuer deux séries de calculs.
Pour déterminer si un contribuable pourrait profiter de la production d’un tel choix conjoint, il faudra effectuer des modélisations et des analyses.
Règles du ratio de groupe
Si toutes les conditions prévues au paragraphe 18.21(2) sont remplies, les membres canadiens du groupe (y compris les sociétés et/ou les fiducies) peuvent faire le choix conjoint d’appliquer les règles du ratio de groupe plutôt que les règles du ratio fixe pour une année d’imposition. Les règles du ratio de groupe, énoncées à l’article 18.21 de la LIR, peuvent permettre à un contribuable de déduire des DIF en sus du ratio des dépenses admissibles, pourvu que le contribuable soit membre d’un groupe consolidé aux fins comptables dont le ratio des dépenses nettes d’intérêts payés à des tiers par rapport au BAIIDA comptable dépasse le ratio fixe de 30 % ou 40 %, selon le cas, et que le groupe soit en mesure de le démontrer à l’aide de ses états financiers consolidés audités. Il convient de noter que même s’il y a des similitudes et des interactions entre les règles du ratio fixe et les règles du ratio de groupe, des différences importantes existent, et les deux ensembles de règles sont distincts l’un de l’autre.
Les conditions à remplir pour qu’un groupe puisse produire un choix conjoint en vertu du paragraphe 18.21(3) pour une année d’imposition donnée sont notamment les suivantes :
a) Chaque membre canadien du groupe, à la fois :
i. est, tout au long de l’année, soit une société canadienne imposable, soit une fiducie résidant au Canada,
ii. a une année d’imposition qui est la même période que la période pertinente de la mère ultime du groupe consolidé,
iii. a la même monnaie de déclaration, au sens du paragraphe 261(1), tout au long de leurs années d’imposition respectives.
b) Aucun membre canadien du groupe n’est une institution financière pertinente.
c) Les états financiers consolidés du groupe consolidé pour l’année sont vérifiés.
d) Tous les membres canadiens du groupe, à la fois :
i. font un choix conjoint, sur le formulaire prescrit et selon les modalités prescrites, relativement à l’année,
ii. présentent le choix au plus tard à la première en date des dates d’échéance de production d’un membre canadien du groupe pour l’année,
iii. attribuent, dans ce choix, un montant relatif au « montant attribué du ratio de groupe » à chaque membre canadien du groupe (nous y reviendrons).
Bénéfice net comptable rajusté du groupe : Aux fins de ces règles, le BAIIDA comptable du groupe est défini au paragraphe 18.21(1) comme étant le « bénéfice net comptable rajusté du groupe ». Il s’agit du dénominateur dans le calcul selon le ratio de groupe. Le bénéfice net comptable rajusté du groupe est calculé au moyen de la formule [A – B].
De façon générale, l’élément A de la formule englobe le revenu net du groupe déclaré dans les états financiers consolidés du groupe, en plus des montants suivants, aussi déclarés dans ces états financiers :
- Les charges d’impôts
- Les dépenses d’intérêts déterminées, qui sont définies comme correspondant aux dépenses d’intérêts, rajustées par l’ajout de certains éléments, comme les intérêts capitalisés, les frais de garantie, les frais pour droit d’usage et la commission d’arrangement, ou d’autres frais ou montants semblables déterminés, en plus de montants semblables qui sont pris en compte dans la détermination du revenu net ou de la perte nette d’une entité comptabilisée à la valeur de consolidation; sont toutefois exclus les montants de dividendes par ailleurs inclus dans le calcul des dépenses d’intérêts pour l’année
- Les montants d’amortissement ou les charges d’amortissement relativement à un bien, les charges relatives à la dépréciation ou la radiation d’actifs et les pertes sur la disposition de tels éléments d’actif
- Les éléments mentionnés ci-dessus qui sont inclus dans le calcul du revenu net ou de la perte nette d’une entité comptabilisée à la valeur de consolidation, jusqu’à concurrence de la part du groupe consolidé dans ce revenu net ou cette perte nette
L’élément B englobe essentiellement les éléments contraires à ceux énumérés ci-dessus, notamment l’impôt recouvrable, les revenus d’intérêts déterminés, les gains sur la disposition d’éléments d’actif (amortissables) ainsi que la part du groupe dans les éléments semblables pris en compte dans la détermination du revenu net ou de la perte nette d’une entité comptabilisée à la valeur de consolidation.
Dépenses nettes d’intérêts du groupe : Aux fins de l’application des règles du ratio de groupe, le numérateur correspond à ce qu’on appelle les « dépenses nettes d’intérêts du groupe ». De façon générale, les dépenses nettes d’intérêts du groupe correspondent à l’excédent des dépenses d’intérêts déterminées sur les revenus d’intérêts déterminés du groupe consolidé pour la période, rajusté pour tenir compte de la déduction de la partie du montant de dépenses d’intérêts déterminées (ou le rajout de la partie du montant de revenus d’intérêts déterminés) qui est payée ou payable au non-membre déterminé (ou, dans le cas de la partie du montant des revenus, qui est reçue ou à recevoir de celui-ci). À cette fin, un « non-membre déterminé » d’un groupe consolidé s’entend d’une personne ou d’une société de personnes donnée qui a un lien de dépendance avec un membre du groupe ou à l’égard de laquelle les membres du groupe possèdent au moins 25 % des voix et de la valeur de la personne ou de la société de personnes.
Ratio de groupe : Le ratio de groupe correspond, dans un premier temps, au pourcentage obtenu en divisant les dépenses nettes d’intérêts du groupe par le bénéfice net comptable rajusté du groupe pour la période visée. Si ce pourcentage est de 40 % ou moins, il correspond au ratio de groupe. Toutefois, si ce pourcentage est supérieur à 40 %, le ratio de groupe est progressivement réduit. Si le pourcentage est supérieur à 40 % mais égal ou inférieur à 60 %, le ratio de groupe sera de 40 %, plus 50 % de l’excédent de ce pourcentage sur 40 %. Si le pourcentage est supérieur à 60 %, le ratio de groupe sera de 50 %, plus 25 % de l’excédent de ce pourcentage sur 60 %. Cependant, comme le pourcentage ne peut être supérieur à 100 %, le ratio de groupe ne peut excéder 60 %.
Montant attribué du ratio de groupe (« MARG ») : Lorsqu’un choix conjoint est produit, les contribuables doivent attribuer des montants aux membres du groupe afin de permettre la déduction des DIF pour chacun de ces membres. Toutefois, le montant total pouvant être attribué ne peut excéder le MARG. La principale disposition imposant une obligation aux contribuables dans le cadre des règles du ratio de groupe, le paragraphe 18.21(3), exige que les contribuables déterminent d’abord le MARG du groupe, puis qu’ils l’attribuent à tous les membres du groupe. Le MARG (terme qui n’est pas défini) correspond au montant maximal de DIF pour tous les membres du groupe qui peut être déduit sans restrictions pour l’année d’imposition. Si le montant total attribué excède le MARG, le montant attribué à chaque membre est réputé nul (de sorte que le groupe n’a aucune capacité de déduction des DIF).
Le MARG qui peut être attribué aux membres canadiens du groupe correspond au moins élevé des montants suivants :
a) Le total du RIR (au sens du paragraphe 18.2(1)) de chaque membre canadien du groupe, multiplié par le ratio de groupe du groupe consolidé
b) Les dépenses nettes d’intérêts du groupe relativement au groupe consolidé
c) Le total des montants dont chacun représenterait, compte non tenu de l’article 257, le RIR de chaque membre du groupe (il n’est pas tenu compte de l’article 257 afin de faire en sorte que les pertes des membres du groupe soient déduites du RIR total)
En ce sens, contrairement aux règles du ratio fixe, les règles du ratio de groupe n’exigent pas de déterminer la « capacité excédentaire » d’un membre donné du groupe, puis de transférer de façon distincte la capacité excédentaire d’un membre du groupe à un autre. Plutôt, le montant total de DIF pouvant être déduit pour le groupe (soit le MARG) est déterminé puis simplement attribué, dans le choix conjoint, à chaque membre. Aucun membre du groupe ne devrait avoir de DIF restreintes, dans la mesure où le MARG qui lui est attribué est inférieur à ses dépenses nettes d’intérêts et de financement. Cette approche simplifiée s’explique en partie par le fait que si un choix en vertu du paragraphe 18.21(3) est produit pour une année, la capacité excédentaire inutilisée de chaque membre est réputée nulle pour l’année. En revanche, les éventuelles DIF restreintes peuvent être reportées prospectivement. En outre, si le MARG total excède par ailleurs les dépenses nettes d’intérêts et de financement du groupe pour l’année, les DIF restreintes d’une année antérieure peuvent être appliquées au cours de l’année (jusqu’à concurrence du montant de l’excédent).
Notons que si deux membres du groupe canadien n’ont pas la même monnaie de déclaration, les règles du ratio de groupe ne peuvent s’appliquer. Nous présumons qu’il s’agit de faire correspondre à la règle prévue à l’article 18.2 qui restreint le transfert de la capacité excédentaire inutilisée entre des membres du groupe qui n’ont pas la même monnaie de déclaration. Néanmoins, l’une des différences clés entre les règles du ratio fixe et les règles du ratio de groupe tient au fait que, dans le cadre des règles du ratio fixe, les fiducies qui font partie d’un groupe n’ont aucune capacité de transférer ou de recevoir une capacité excédentaire, tandis que les règles du ratio de groupe permettent, dans les faits, aux fiducies faisant partie d’un groupe canadien de transférer ou de recevoir une telle capacité.
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Vancouver
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