Paiement
Les règles d’asymétrie hybride s’appliquent relativement à certains paiements. Or, le mot « paiement », défini au projet de paragraphe 18.4(1), a pour but d’être inclusif, c’est-à-dire qu’il doit recevoir son sens ordinaire et qu’il est élargi afin de comprendre toute somme ou tout avantage qu’une entité a l’obligation de payer à une entité, de porter à son crédit ou de lui conférer, dans l’immédiat ou pour l’avenir et conditionnellement ou non. Cette disposition doit être interprétée largement; d’ailleurs, les notes explicatives indiquent qu’en vertu de cette définition, plus d’un paiement peut se produire relativement à la même obligation de paiement. Par exemple, un paiement peut se produire lorsque l’obligation entre en vigueur (p. ex., lorsque les intérêts commencent à courir), puis lorsqu’une somme relative à cette obligation est effectivement payée. Or, les notes explicatives précisent qu’« [o]n ne s’attendrait toutefois pas à ce que cela se traduise par des applications multiples des règles d’asymétrie hybride, étant donné qu’il est prévu qu’une seule déduction serait disponible relativement à l’obligation de paiement ».
Asymétrie de déduction/non-inclusion
Aux fins des projets d’articles 12.7 et 18.4, le projet de paragraphe 18.4(6) établit qu’un paiement donne lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion, en règle générale, dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
a) Le total des sommes déductibles relativement au paiement aux fins de l’impôt sur le revenu canadien, calculé sans égard à l’article 18.4 et aux règles de restriction des intérêts prévues aux paragraphes 18(4) et 18.2(2), dépasse le total des sommes comprises i) dans le revenu ordinaire étranger (tel qu’il est défini au projet de paragraphe 18.4(1)) et ii) dans le revenu ordinaire canadien (également défini au projet de paragraphe 18.4(1)) relativement au paiement.
b) Le total des sommes déductibles relativement au paiement aux fins de l’impôt sur le revenu étranger, calculé sans égard aux règles de restriction des intérêts d’un pays étranger, dépasse le total des sommes comprises dans le revenu ordinaire canadien et le revenu ordinaire étranger relativement au paiement.
Si la situation a) s’applique :
- Le projet d’alinéa 18.4(7)a) prévoit que la composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion correspond au total des sommes déductibles relativement au paiement aux fins de l’impôt sur le revenu canadien.
- Le projet d’alinéa 18.4(7)c) prévoit, de façon générale, que la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement correspond à l’excédent de la composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion sur le total des inclusions dans le revenu imposable relativement au paiement, le cas échéant, aux fins de l’impôt sur le revenu canadien ou étranger (les inclusions égales ou inférieures à 10 % des sommes déductibles sont exclues de ce calcul).
En règle générale, lorsque la composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion se rapporte à l’un des trois types de dispositifs hybrides visés, c’est la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion qui sera refusée à titre de déduction en vertu du projet de paragraphe 18.4(4).
Si la situation b) s’applique :
- Le projet d’alinéa 18.4(7)b) prévoit que la composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion correspond au total de toutes les sommes qui, en l’absence de toute règle étrangère de restriction des dépenses (s’entend généralement, selon le projet de paragraphe 18.4(1), d’une règle semblable à nos règles de capitalisation restreinte ou des nouvelles règles de restrictions des intérêts proposées à l’article 18.2), seraient, ou dont il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’elles soient, déductibles relativement au paiement, dans le cadre du calcul du revenu étranger imposable du débiteur.
- Le projet d’alinéa 18.4(7)c) prévoit, de façon générale, que la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement correspond à l’excédent de la composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion sur le total des inclusions dans le revenu imposable relativement au paiement, le cas échéant, aux fins de l’impôt sur le revenu canadien ou étranger (encore une fois, les inclusions égales ou inférieures à 10 % des sommes déductibles sont exclues du calcul).
En règle générale, lorsque la composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion se rapporte à l’un des trois types de dispositifs hybrides visés, c’est la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion qui sera incluse dans le revenu en vertu du paragraphe 12.7(3).
Il est précisé que la notion de « revenu ordinaire étranger » n’est pas simple et que ce revenu peut faire l’objet d’un certain nombre d’ajustements, notamment lorsque le revenu est assujetti à un taux d’imposition nul (ou à un taux d’imposition inférieur au taux le plus élevé imposé par le pays étranger visé pour un revenu de ce type), ou qu’il est inclus dans le revenu par l’application d’une règle d’asymétrie étrangère.
Dispositifs hybrides
Selon la dernière condition pour qu’un paiement tombe sous le coup de la règle d’asymétrie hybride, celui-ci doit découler d’un dispositif hybride. Aux termes du projet de paragraphe 18.4(1), ce dispositif hybride peut être a) un dispositif d’instrument financier hybride duquel un paiement découle, b) un dispositif de transfert hybride duquel un paiement découle, ou c) un dispositif de paiement par substitution duquel un paiement découle.
Dispositif d’instrument financier hybride
Le projet de paragraphe 18.4(10) établit les conditions pour qu’un paiement découle d’un dispositif d’instrument financier hybride, alors que le projet de paragraphe 18.4(11) établit les conséquences connexes. De manière très générale, selon le rapport sur l’action 2 du BEPS, cette règle a pour but de cibler les dispositifs (instruments financiers) qui sont imposés en tant que titres de dette, titres de participation ou produits dérivés en vertu des lois nationales, lorsqu’une asymétrie de déduction/non-inclusion découle d’une différence dans la façon dont un instrument financier est traité aux fins de l’impôt sur le revenu par deux pays ou plus.
En vertu du projet de paragraphe 18.4(10), un paiement découle d’un dispositif d’instrument financier hybride si les conditions prévues aux alinéas a) à d) ci-après sont réunies.
a) Le paiement (sauf un paiement qui découle d’un dispositif de paiement par substitution) découle d’un instrument financier (lequel s’entend d’une dette, d’une participation ou de tout autre dispositif donnant lieu à un rendement financier ou de capitaux propres), ou s’y rapporte.
b) Soit i) un payeur du paiement a un lien de dépendance avec un bénéficiaire du paiement, ou est une entité déterminée relativement à un bénéficiaire du paiement, soit ii) le paiement découle d’un dispositif structuré (voir ci-après), ou s’y rapporte.
Aux fins des règles d’asymétrie hybride, un payeur et un bénéficiaire devraient généralement être des entités déterminées l’une relativement à l’autre lorsque le payeur ou le bénéficiaire détient au moins 25 % des participations dans l’autre, ou un tiers détient au moins 25 % des participations dans les deux. Un dispositif structuré s’entend généralement d’une opération ou d’une série d’opérations, si l’opération ou la série comprend un paiement qui donne lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion, et qu’il est raisonnable de considérer que tout avantage économique découlant de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est reflété dans l’établissement du prix de l’opération ou de la série ou que l’opération ou la série est par ailleurs conçue afin de donner lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion.
c) Le paiement donne lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion.
d) Le critère de causalité, établi au sous-alinéa 18.4(10)d)(i) et servant à déterminer si l’asymétrie découle de l’«hybridité », est rempli. Ce critère de causalité comprend une analyse en deux étapes. La première étape consiste à déterminer s’il est raisonnable de considérer que l’asymétrie de déduction/non-inclusion découle, en tout ou en partie, d’une différence dans le traitement de l’instrument financier dont le paiement découle, ou d’une ou de plusieurs opérations qui incluent le paiement ou qui se rapportent à l’instrument financier, aux fins de l’impôt en vertu des lois de plus d’un pays. La deuxième étape consiste à établir s’il est raisonnable de considérer que la différence dans le traitement fiscal est attribuable aux modalités de l’instrument financier ou à une opération ou à des opérations.
La condition d’hybridité énoncée au sous-alinéa 18.4(10)d)(i) serait également remplie s’il était considéré qu’elle serait remplie s’il n’était pas tenu compte de toute autre raison pour l’asymétrie de déduction/non-inclusion. Par exemple, si un même résultat d’asymétrie de déduction/non-inclusion découlait non seulement de l’hybridité, mais également d’autres faits et circonstances, ces circonstances ne seraient alors pas prises en compte et le critère d’hybridité prévu à l’alinéa 18.4(10)d) serait vraisemblablement rempli.
Si toutes les conditions du paragraphe 18.4(1) sont réunies, de sorte qu’un paiement découle d’un dispositif d’instrument financier hybride, le paragraphe 18.4(11) prévoit l’application des règles suivantes :
a) Le montant de l’asymétrie d’instrument financier hybride, relativement au paiement, correspond généralement à la partie de la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement.
b) La composante de déduction, le cas échéant, de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est la composante de déduction du dispositif d’instrument financier hybride relativement au paiement (voir l’analyse ci-dessus sur les résultats d’asymétrie de déduction/non-inclusion pour la définition de composante de déduction).
c) La composante de déduction étrangère, le cas échéant, de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est la composante de déduction étrangère du dispositif d’instrument financier hybride relativement au paiement (voir l’analyse ci-dessus sur les résultats d’asymétrie de déduction/non-inclusion pour la définition de composante de déduction étrangère).
S’il existe une composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, les conditions prévues à l’alinéa 18.4(3)b) devraient être remplies, de sorte que, en vertu du paragraphe 18.4(4), aucune déduction ne puisse être faite relativement au paiement jusqu’à concurrence du montant de l’asymétrie hybride relativement au paiement. S’il existe une composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, les conditions prévues au paragraphe 12.7(2) devraient être remplies, de sorte que, en vertu du paragraphe 12.7(3), une somme égale au montant de l’asymétrie hybride relativement au paiement doive être incluse dans le calcul imposable.
Règle spéciale pour les dépenses en intérêts théoriques — paiement réputé, bénéficiaire réputé et hybridité réputée
En vertu du projet de paragraphe 18.4(9), qui s’applique aux fins des articles 12.7 et 18.4, si, en l’absence d’une règle étrangère de restriction des dépenses, une somme (appelée « somme déductible ») serait déductible par un débiteur à l’égard d’une dépense en intérêts théorique sur une dette, dans le calcul de son revenu ou de ses bénéfices étrangers pertinents pour l’année, les règles ci-après s’appliquent :
a) Le débiteur est réputé effectuer un paiement dans l’année au titre de la dette au créancier d’une somme égale à la somme déductible, et le créancier est réputé être un bénéficiaire de ce paiement.
b) La somme déductible est réputée être relative au paiement.
c) Tout montant qui est du revenu ordinaire étranger ou du revenu ordinaire canadien du créancier est réputé découler du paiement réputé.
d) Toute asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement est réputée remplir la condition d’«hybridité » énoncée à l’alinéa 18.4(10)d).
De manière générale, le paragraphe 18.4(9) fait en sorte que, dans le cadre d’un prêt transfrontalier, si un débiteur a un ajustement à la baisse des prix de transfert donnant lieu à une dépense en intérêts théorique, il se pourrait que cette dépense en intérêts théorique soit réputée être un paiement découlant de l’instrument financier hybride. Ainsi, le paiement réputé donnerait lieu à une inclusion dans le revenu en vertu de l’article 12.7.
Dispositif de transfert hybride
Les paragraphes 18.4(12) et (13) établissent à la fois les conditions pour déterminer si un paiement découle d’un dispositif de transfert hybride et les conséquences connexes. De façon générale, cette règle a pour but de cibler les dispositifs comprenant le transfert d’instruments financiers lorsque des différences dans le traitement fiscal de ces dispositifs font en sorte que différentes entités sont considérées comme le propriétaire du rendement de l’instrument transféré. Lorsque le dispositif de transfert hybride est lié à un instrument financier, l’asymétrie de déduction/non-inclusion n’est généralement pas causée par des différences dans la caractérisation ou le traitement d’instruments financiers, mais plutôt par une différence, en vertu des lois fiscales de deux pays ou plus, dans le traitement du transfert de l’instrument financier ou de la série d’opérations, ou de certains paiements liés au transfert ou à la série. Il peut s’agir, par exemple, d’une situation où deux pays, en vertu de leurs lois fiscales, considèrent chacun qu’un contribuable résident de leur pays est le propriétaire d’une action, et que les paiements effectués en vertu du dispositif sont déductibles pour une partie sans être inclus dans le revenu par l’autre partie.
En vertu du projet de paragraphe 18.4(12), un paiement découle d’un dispositif de transfert hybride si les conditions suivantes sont réunies :
a) Le paiement découle de ou se rapporte à : i) soit un « dispositif de transfert » qui inclut une disposition, un prêt ou autre transfert par une entité à une autre entité (appelées respectivement « cédant » et « cessionnaire ») de la totalité ou d’une partie d’un instrument financier (appelée « instrument transféré »); ii) soit l’instrument transféré.
b) À un moment donné durant le dispositif de transfert, soit i) un payeur du paiement a un lien de dépendance avec un bénéficiaire du paiement, ou est une « entité déterminée » relativement à un bénéficiaire du paiement, ou le cédant a un lien de dépendance avec le cessionnaire, ou est une entité déterminée relativement au cessionnaire, soit ii) le paiement découle d’un dispositif structuré ou s’y rapporte.
c) Le paiement donne lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion.
d) Comme pour l’alinéa 18.4(10)d) relatif aux dispositifs d’instrument financier hybride, l’alinéa 18.4(12)d) établit trois critères de causalité distincts, chacun servant à évaluer si, dans les faits, l’asymétrie de déduction/non-inclusion découle de l’«hybridité » du dispositif; ces critères s’appliquent de façon un peu plus large que la règle équivalente applicable aux dispositifs d’instrument financier hybride. Il suffit qu’un de ces trois critères d’hybridité soit rempli. Comme pour la règle prévue au sous-alinéa 18.4(10)d)(ii), les critères de causalité doivent être appliqués sans égard aux autres facteurs qui pourraient donner lieu à une asymétrie de déduction/non-inclusion.
Lorsque toutes les conditions du paragraphe 18.4(12) sont réunies, de sorte qu’un paiement découle d’un dispositif de transfert hybride, les règles établies au paragraphe 18.4(13) s’appliquent. Ces règles sont, de manière générale, semblables à celles qui sont énoncées au paragraphe 18.4(11) relativement aux dispositifs d’instrument financier hybride, et sont les suivantes :
a) Le montant de l’asymétrie de transfert hybride, relativement au paiement, correspond généralement à la partie de la somme de l’asymétrie de déduction/non-inclusion découlant du paiement.
b) La composante de déduction, le cas échéant, de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est la composante de déduction du dispositif de transfert hybride.
c) La composante de déduction étrangère, le cas échéant, de l’asymétrie de déduction/non-inclusion est la composante de déduction étrangère du dispositif de transfert hybride.
S’il existe une composante de déduction de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, les conditions prévues à l’alinéa 18.4(3)b) devraient être remplies, de sorte que, en vertu du paragraphe 18.4(4), aucune déduction ne puisse être faite relativement au paiement jusqu’à concurrence du montant de l’asymétrie hybride relativement au paiement. S’il existe une composante de déduction étrangère de l’asymétrie de déduction/non-inclusion, les conditions prévues au paragraphe 12.7(2) devraient être remplies, de sorte que, en vertu du paragraphe 12.7(3), une somme égale au montant de l’asymétrie hybride relativement au paiement doive être incluse dans le revenu.