Un équipement admissible serait un équipement, utilisé au Canada, servant strictement à capter, transporter, stocker ou utiliser le CO2 dans le cadre d’un projet de CUSC admissible, et il serait compris dans deux nouvelles catégories aux fins de la déduction pour amortissement (« DPA ») (assorties de taux de 8 % et de 20 % selon la méthode de l’amortissement dégressif). Ces catégories seraient admissibles à l’amortissement bonifié pour la première année en vertu de l’incitatif à l’investissement accéléré. Le crédit d’impôt pourrait être réclamé à l’égard de l’année d’imposition où les dépenses sont engagées, peu importe le moment où l’équipement devient disponible pour utilisation. La mesure dans laquelle le crédit d’impôt est disponible dépendrait des utilisations finales du CO2 capté. Les utilisations admissibles comprendraient au départ le stockage géologique spécifique et le stockage dans le béton. La récupération assistée du pétrole n’y serait pas admissible.
Le CO2 devrait être capté au Canada, mais il pourrait être stocké ou utilisé à l’extérieur du pays. Le stockage dans le béton serait considéré comme une utilisation admissible dans la mesure où le procédé (qui devrait être approuvé par Environnement et Changement climatique Canada) peut démontrer qu’au moins 60 % du CO2 est verrouillé dans le béton produit.
Les projets comportant des dépenses admissibles d’au moins 100 millions de dollars feraient l’objet d’une évaluation fiscale initiale visant à déterminer celles qui sont admissibles au crédit d’impôt pour le CUSC ainsi que le taux du crédit d’impôt applicable. Les dépenses admissibles seraient vérifiées par Ressources naturelles Canada dès que possible après la fin de l’année d’imposition du contribuable, et avant la production de sa déclaration de revenus, pour que le remboursement soit traité au moment de la production. Les détails administratifs de ce processus seraient fournis à une date ultérieure.
Les contribuables devraient aussi produire un rapport de divulgation financière sur le climat soulignant comment leur gouvernance, leurs stratégies, leurs politiques et leurs pratiques corporatives aideront à gérer les risques et les possibilités liés au climat et contribueront à la réalisation des engagements du Canada à l’égard de l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. Des renseignements sur ce processus et sur l’information à échanger seraient fournis à une date ultérieure.
Crédit d’impôt pour l’exploration minière
Le budget de 2022 instaure un nouveau crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques (« CIEMC ») de 30 % applicable pour certaines dépenses d’exploration minières déterminées ayant fait l’objet d’une renonciation en faveur d’investisseurs dans des actions accréditives. Les dépenses d’exploration minières déterminées admissibles comprennent celles ciblant l’exploration du nickel, du cobalt, du lithium, du graphite, du cuivre, des éléments des terres rares, du vanadium, du tellure, du gallium, du scandium, du titane, du magnésium, du zinc, des métaux du groupe platine ou de l’uranium. Les minéraux de ce groupe sont ciblés en raison de leur rôle clé dans la production et la transformation de matériaux de pointe, de semi-conducteurs et de technologies propres, y compris les batteries et les aimants permanents qui servent dans la fabrication de véhicules à zéro émission.
Le CIEMC serait généralement accordé suivant les règles actuellement applicables au crédit d’impôt pour l’exploration minière de 15 %, mais les deux crédits ne pourraient pas être obtenus pour une même dépense. Le CIEMC de 30 % ne s’appliquerait qu’aux dépenses d’exploration visant les minéraux précités.
Pour que des dépenses soient admissibles au CIEMC, une personne qualifiée (selon la définition des Autorités canadiennes en valeurs mobilières en date du 7 avril 2022) devrait certifier que les dépenses auxquelles la société renoncera seront engagées dans le cadre d’un projet d’exploration qui vise les minéraux déterminés. Le CIEMC ne serait pas obtenu si la personne qualifiée ne pouvait pas démontrer qu’il existe une attente raisonnable que les minéraux ciblés par l’exploration soient principalement des minéraux déterminés. Le CIEMC s’appliquerait aux dépenses auxquelles il est renoncé en vertu de conventions pour actions accréditives conclues après le 7 avril 2022 et au plus tard le 31 mars 2027.
Actions accréditives pour les activités pétrolières ou gazières et les activités du charbon
Le budget de 2022 propose d’éliminer le régime des actions accréditives pour les activités pétrolières ou gazières et les activités du charbon, pour ce qui est des dépenses ayant fait l’objet d’une renonciation en vertu de conventions visant des actions accréditives conclues après le 31 mars 2023. Les conventions visant des actions accréditives permettent aux sociétés de renoncer à la fois aux frais d’exploration au Canada et aux frais d’aménagement au Canada et de les transférer à des investisseurs qui peuvent déduire ces frais dans le calcul de leur revenu imposable (à un taux respectif de 100 % ou de 30 % selon la méthode de l’amortissement dégressif).
Mesures visant la fiscalité internationale
Réforme de la fiscalité internationale
Le Canada est l’un des 137 membres du Cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») et du Groupe des 20 (le « Cadre inclusif ») qui se sont joints à un plan à deux piliers pour la réforme fiscale internationale convenu le 8 octobre 2021. Le Pilier Un vise à réaffecter une partie des droits d’imposition sur les bénéfices des plus grandes et plus rentables entreprises multinationales (« EMN ») aux pays de marché (c.-à-d., là où se trouvent leurs utilisateurs et leurs clients). Le Pilier Deux vise à faire en sorte que les bénéfices des grandes EMN soient assujettis à un taux effectif d’imposition (« TEI ») d’au moins 15 % dans toutes les juridictions où elles gagnent des bénéfices.
Pilier Un – Réaffectation des droits d’imposition
Selon l’approche traditionnelle en matière d’imposition des revenus des entreprises, le revenu doit avoir un lien avec la juridiction qui applique l’impôt, et le revenu doit être gagné par une filiale ou par une entreprise qui a un « établissement stable » dans le pays. Avec la numérisation de l’économie mondiale, cette approche traditionnelle peut limiter les droits d’imposition des pays de marché, plus particulièrement en ce qui concerne les EMN qui exercent à distance des activités génératrices de valeur dans le pays, ou qui dépendent de l’exploitation de biens incorporels détenus à l’extérieur du pays.
Le Pilier Un vise à conférer aux pays de marché des droits d’imposition élargis en vertu desquels le bénéfice serait déterminé davantage en fonction d’une formule de répartition reposant sur une clé de répartition qu’en fonction du lien existant. Selon les propositions, les entités visées incluraient, de manière générale, les EMN ayant des revenus mondiaux supérieurs à 20 milliards d’euros et une marge bénéficiaire supérieure à 10 %. Cela aurait pour effet, essentiellement, de réaffecter une partie des bénéfices (appelée « Montant A ») aux pays de marché. Aux fins de la mise en œuvre, il faudra probablement apporter des modifications importantes aux conventions fiscales à l’échelle mondiale dans le cadre d’une convention multilatérale.
Le gouvernement indique qu’il « collabore activement avec ses partenaires internationaux pour élaborer les règles types et la convention multilatérale nécessaires pour établir le nouveau cadre d’imposition multilatéral » essentiel à l’entrée en vigueur réussie du Pilier Un.
Taxe sur les services numériques
Toutefois, en décembre 2021, le gouvernement a présenté, à titre de « filet de sécurité », des propositions législatives pour la mise en œuvre d’une taxe sur les services numériques (« TSN »), après quoi il a mené des consultations qui ont pris fin en février 2022. Le gouvernement a indiqué que la TSN pourrait être imposée à compter du 1er janvier 2024, mais seulement si la convention multilatérale qui met en œuvre le cadre d’imposition du Montant A n’est pas entrée en vigueur. Par conséquent, non seulement il y aura une période d’incertitude quant à l’entrée en vigueur ou non de la TSN, mais le gouvernement indique que la TSN, si elle vient à entrer en vigueur, pourrait s’appliquer rétroactivement à l’égard des opérations effectuées à compter du 1er janvier 2022 (même si elle n’est pas payable avant 2024).
Pilier Deux – Impôt minimum mondial
Le Pilier Deux est un cadre pour l’application d’un impôt minimum aux EMN dont les revenus annuels se chiffrent à 750 millions d’euros et plus. Il est conçu pour faire en sorte que ces EMN soient assujetties à un TEI minimum de 15 % sur les bénéfices dans chaque juridiction où elles exercent leurs activités.
La mise en œuvre du Pilier Deux doit généralement être effectuée au moyen de modifications aux lois fiscales nationales. Le Cadre inclusif a approuvé un modèle de règles détaillées (les « Règles types »), publié le 20 décembre 2021, ainsi qu’un commentaire (le « Commentaire ») prévoyant des directives sur leur interprétation et leur fonctionnement, publié le 14 mars 2022.
De façon générale, le cadre du Pilier Deux se compose de trois règles d’imputation. Voici ces règles (dans l’ordre d’application général) :
1) Possibilité pour les juridictions de mettre en œuvre un impôt supplémentaire minimum national (« ISMN ») qui imputerait un impôt supplémentaire sur le revenu faiblement imposé des entités constitutives situées dans leur juridiction afin de faire passer à 15 % le TEI applicable sur leur territoire
2) « Règle d’inclusion du revenu » (« RDIR ») permettant d’appliquer l’ISMN aux sociétés mères des entités constitutives dont le revenu est faiblement imposé
3) « Règle relative aux profits insuffisamment imposés » (« RPII »), une règle de filet de sécurité qui s’applique généralement lorsqu’aucun impôt supplémentaire n’est par ailleurs perçu en vertu des deux premières règles et qui permet, en règle générale, à toutes les juridictions qui ont mis en œuvre une RPII de répartir l’impôt supplémentaire selon une formule de répartition et de percevoir cet impôt auprès des entités qui font partie du groupe d’EMN et qui se trouvent sur leur territoire.
La Déclaration d’octobre prévoit que les pays devraient mettre en œuvre le Pilier Deux à compter de 2023, la RPII entrant en vigueur en 2024.
Le budget de 2022 propose de mettre en œuvre le Pilier Deux et d’instaurer un ISMN qui s’appliquerait aux entités canadiennes des EMN visées par le Pilier Deux. La RPII entrerait en vigueur au plus tôt en 2024.
De plus, le budget de 2022 lance une consultation publique sur la mise en œuvre au Canada des Règles types et d’un ISMN. En vertu des Règles types, la RDIR doit être une « RDIR admissible » pour que les autres pays n’appliquent pas la RPII afin de percevoir l’impôt supplémentaire, ce qui pourrait autrement faire en sorte que l’impôt supplémentaire soit perçu plus d’une fois. Pour qu’une RDIR soit considérée comme admissible, il faut que les lois nationales de la juridiction soient mises en œuvre et appliquées d’une manière conforme aux résultats prévus en vertu des Règles types et du Commentaire. À la lumière de ce qui précède, l’objet principal du processus de consultation consiste à adapter les Règles types au contexte juridique et fiscal du Canada, pour faire en sorte que la RDIR établie par le Canada soit admissible, plutôt que d’obtenir des opinions sur les principaux aspects de conception ou des considérations générales en matière de politique. Vous trouverez un certain nombre de questions spécifiques dans le document Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires du budget de 2022. Le gouvernement invite toutes les parties désireuses de prendre part au processus de consultation à envoyer des observations écrites d’ici le 7 juillet 2022.
Coupons d’intérêts détachés
La partie XIII de la LIR impose généralement une retenue d’impôt de 25 % sur les intérêts qu’une personne résidant au Canada paie à une personne non-résidente ayant un lien de dépendance, ou porte à son crédit. De plus, le taux de 25 % est généralement réduit dans le cas des intérêts payés à un résident d’un pays avec lequel le Canada a conclu une convention fiscale. Soulignons, par exemple, qu’une retenue d’impôt de 0 % s’applique aux résidents américains en vertu de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis.
Par le passé, des modifications ont été apportées aux règles de retenue d’impôt sur les intérêts en vue de s’attaquer à ce qu’on appelle des « mécanismes de coupons d’intérêts détachés ». Ces mécanismes ciblés comportent habituellement un prêteur non-résident qui vend son droit de recevoir de futurs paiements d’intérêts (coupons d’intérêts) à des personnes non-résidentes sans lien de dépendance; le prêteur non-résident conserve toutefois généralement son droit au principal en vertu du prêt. Les modifications antérieures faisaient donc en sorte que la retenue d’impôt qui s’appliquerait si les intérêts étaient payés au prêteur ayant un lien de dépendance continuent de s’appliquer même si, techniquement, les intérêts sont payés à une personne sans lien de dépendance. Cependant, le budget de 2022 a relevé deux variations de mécanismes de coupons d’intérêts détachés qui n’étaient pas visées par les modifications antérieures. Ces variations comprennent une situation où le coupon d’intérêts est, par exemple, vendu à un résident américain (et que le résident américain se prévaut de la retenue d’impôt de 0 % en vertu de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis), ou bien vendu à une personne résidant au Canada (de sorte que la retenue d’impôt de la partie XIII ne s’applique pas).
Le budget de 2022 propose une modification afin de s’assurer que les retenues d’impôt totales payées en vertu d’un mécanisme de coupons d’intérêts détachés soient les mêmes que si le mécanisme n’avait pas été mis en œuvre (c.-à-d., comme si les intérêts avaient été, dans les faits, payés au prêteur non-résident ayant un lien de dépendance, ou portés à son crédit). À ces fins, un mécanisme de coupons d’intérêts détachés serait considéré comme existant lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :
- Un emprunteur résidant au Canada paie un montant particulier à une personne ou à une société de personnes (détenteur d’un coupon d’intérêts), ou le porte à son crédit, à titre d’intérêts sur une dette (autre qu’un titre de créance offert au public) qu’il doit à une personne non-résidente avec qui il a un lien de dépendance (prêteur non-résident).
- La retenue d’impôt qui serait payable relativement au montant donné, si celui-ci était payé au prêteur non-résident, ou porté à son crédit, est supérieure à la retenue d’impôt payable par ailleurs sur le montant donné payé au détenteur d’un coupon d’intérêts ou porté à son crédit.
Lorsqu’un mécanisme de coupons d’intérêts détachés existe, l’emprunteur résidant au Canada serait réputé, aux fins des règles de retenues d’impôt, payer un montant d’intérêt au prêteur non-résident de sorte que la retenue d’impôt sur le paiement d’intérêts réputé est égale à la retenue d’impôt autrement évitée en raison du mécanisme de coupons d’intérêts détachés.
Cette mesure s’appliquerait aux intérêts payés ou payables par un emprunteur résidant au Canada à un détenteur d’un coupon d’intérêts dans la mesure où ces intérêts ont couru à compter du 7 avril 2022. Cependant, si le paiement d’intérêts se rapporte à une dette ou autre obligation engagée par l’emprunteur résidant au Canada avant le 7 avril 2022 – et qu’il est versé à un détenteur d’un coupon d’intérêts qui n’a pas de lien de dépendance avec le prêteur non-résident et qui a acquis le droit aux intérêts en raison d’un accord conclu, et constaté par écrit, avant le 7 avril 2022 – la mesure s’appliquerait aux intérêts payés ou payables par l’emprunteur résidant au Canada au détenteur d’un coupon d’intérêts dans la mesure où ces intérêts auront couru à compter du 7 avril 2023.
Il convient de noter que les Renseignements supplémentaires indiquent également que, selon les faits, le gouvernement pourrait invoquer les règles en vigueur dans la LIR pour contester ces deux variations de mécanismes de coupons d’intérêts détachés.
Partage de renseignements fiscaux sur les vendeurs en ligne de l’économie numérique
L’économie numérique continue de croître rapidement, et les vendeurs en ligne sont de plus en plus nombreux à exploiter leur entreprise au moyen de plateformes numériques. Au Canada, il incombe généralement aux contribuables qui gagnent un revenu d’entreprise, y compris les vendeurs en ligne, de déclarer à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») le revenu qu’ils ont gagné. Cependant, les vendeurs en ligne ne sont pas nécessairement au courant des conséquences fiscales de leurs activités.
Pour répondre à ces préoccupations, le budget de 2022 propose de mettre en œuvre les règles types de déclaration par les opérateurs de plateforme numérique concernant les vendeurs en ligne qui ont été élaborées par l’OCDE.
Ainsi, il est proposé d’exiger des « opérateurs de plateforme soumis à déclaration » assistant les « vendeurs soumis à déclaration » pour les « activités visées » qu’ils communiquent, chaque année, à l’ARC la juridiction de résidence de ces derniers et certains renseignements à leur sujet. De manière très générale, ces termes sont définis comme suit :
- Les opérateurs de plateforme soumis à déclaration seraient des entités qui i) concluent des contrats directement ou indirectement avec les vendeurs afin de mettre à leur disposition le logiciel qui gère une plateforme leur permettant d’être connectés à d’autres utilisateurs, ou ii) obtiennent une rémunération pour les activités pertinentes facilitées par la plateforme.
De façon générale, le terme « opérateurs de plateforme soumis à déclaration » ne désignerait que les opérateurs de plateforme qui sont résidents du Canada à des fins fiscales, ou les opérateurs de plateforme qui ne résident pas au Canada ou dans une juridiction partenaire ayant également mis en œuvre les règles types de l’OCDE, et qui facilitent les activités visées de vendeurs qui résident au Canada ou relativement à la location d’un bien immobilier situé au Canada.
- Les vendeurs soumis à déclaration seraient essentiellement les utilisateurs actifs inscrits sur une plateforme pour exercer des activités visées. Certains vendeurs qui représentent un risque limité de conformité seraient exclus.
- Les activités visées seraient les services concernés (les services personnels, soit ceux comportant un travail en temps, la location de biens immobiliers et la location de moyens de transport) et la vente de biens.
Les opérateurs de plateforme soumis à déclaration seraient tenus de communiquer à l’ARC des renseignements particuliers sur les vendeurs soumis à déclaration au plus tard le 31 janvier de l’année suivant l’année civile pour laquelle un vendeur est identifié comme un vendeur soumis à déclaration. Puisque cette mesure s’inscrit dans une initiative internationale de l’OCDE, l’ARC partagerait automatiquement cette information avec les administrations fiscales des juridictions partenaires.
Cette mesure s’appliquerait aux années civiles commençant après 2023. Cela permettrait la première déclaration et le premier partage de renseignements d’avoir lieu au début de 2025 pour l’année civile 2024.
Mesures visant les institutions financières
Le budget de 2022 propose deux mesures ciblées visant les banques et les assureurs-vie, mentionnées initialement dans la plateforme libérale pour les élections fédérales de 2021.
Dividende pour la relance au Canada
La première mesure vise les sociétés membres de groupes de banques et d’assureurs-vie. Le dividende pour la relance au Canada (le « DRC ») prendrait la forme d’un impôt ponctuel de 15 % sur le revenu imposable pour 2021 des membres d’un groupe qui sont des banques, des assureurs-vie ou d’autres institutions financières liées au sens de la partie VI de la LIR. Une exonération à partager entre les membres du groupe serait offerte sur la première tranche de un milliard de dollars en revenu imposable. Le DRC serait imposé pour l’année d’imposition 2022 et serait payable en montants égaux sur une période de cinq ans.
Impôt supplémentaire pour les banques et les assureurs-vie
La deuxième mesure cible spécifiquement les groupes de banques et d’assureurs-vie afin d’augmenter leur taux d’imposition de 1,5 %. Tout comme pour le DRC, les sociétés touchées sont les membres d’un groupe qui sont des banques, des assureurs-vie ou d’autres institutions financières liées (comme il a été décrit précédemment). Une exonération de 100 millions de dollars au titre du revenu imposable peut être répartie entre les membres du groupe assujettis à cet impôt supplémentaire. Cette mesure s’appliquerait aux années d’imposition se terminant après le 7 avril 2022; l’impôt supplémentaire serait calculé au prorata pour les années d’imposition chevauchant cette date.
Le budget de 2022 répond aux préoccupations liées au fait que des groupes d’institutions financières participent à des arrangements de planification fiscale supposant une utilisation abusive des déductions pour dividendes reçus.
Opérations de couverture et ventes à découvert par les institutions financières
Sous réserve de certaines exceptions, une société canadienne qui reçoit un dividende imposable d’une autre société canadienne peut généralement demander une déduction à l’égard de ce dividende (« déduction pour dividendes reçus »). En vertu du régime d’imposition relatif aux mécanismes de prêt de valeurs mobilières, les paiements compensatoires pour dividendes versés au prêteur dans le cadre d’un mécanisme de prêt de valeurs mobilières ne sont pas déductibles, sauf lorsque le montant est payé par un courtier en valeurs mobilières inscrit. Les courtiers en valeurs mobilières inscrits peuvent demander une déduction pour les deux tiers d’un paiement.
Le budget de 2022 propose de nouvelles mesures visant à refuser la déduction pour dividendes reçus lorsqu’une déduction pour dividendes reçus et une déduction pour les deux tiers d’un paiement compensatoire pour dividendes sont réclamées au sein d’un même groupe d’institutions financières qui n’a pas d’exposition économique à l’action canadienne. Le budget donne l’exemple d’un groupe de sociétés formé notamment d’une banque canadienne qui détient des actions d’une société canadienne et d’un courtier en valeurs mobilières inscrit qui emprunte des actions identiques et les vend à découvert, de sorte que le groupe de sociétés n’a pas d’exposition économique. Lorsqu’un dividende est versé sur ces actions canadiennes, la banque réclame une déduction pour dividendes reçus tandis que le courtier en valeurs mobilières inscrit réclame une déduction pour les deux tiers du paiement compensatoire pour dividendes qu’il a versé au prêteur.
Selon les propositions du budget, aucune déduction pour dividendes reçus ne pourrait être demandée à l’égard des dividendes reçus par un contribuable sur une action canadienne lorsque le courtier en valeurs mobilières inscrit qui a un lien de dépendance avec le contribuable conclut des opérations qui couvrent l’exposition économique du contribuable et que le courtier en valeurs mobilières inscrit sait ou aurait dû savoir que ces opérations auraient un tel effet. La déduction pour dividendes reçus serait également refusée dans les situations où un courtier en valeurs mobilières inscrit effectue lui-même des opérations similaires. Dans ces deux situations où la déduction pour dividendes reçus est refusée, le courtier en valeurs mobilières inscrit peut demander une déduction complète à l’égard du paiement compensatoire pour dividendes qu’il a effectué.
Pour les opérations de couverture en place avant le 7 avril 2022, ces modifications s’appliqueraient aux dividendes et aux paiements compensatoires pour dividendes connexes qui sont payés après septembre 2022. Pour toutes les autres opérations, les propositions s’appliqueraient aux dividendes et aux paiements compensatoires pour dividendes connexes qui sont payés ou deviennent payables le 7 avril 2022 ou après.
IFRS 17
À compter du 1er janvier 2023, l’IFRS 17 sera la nouvelle norme comptable pour les contrats d’assurance. Elle modifiera considérablement la présentation de l’information financière pour les sociétés d’assurance et de réassurance. L’IFRS 17 instaure une nouvelle réserve, la « marge de service contractuelle » (« MSC »), qui représente une partie des bénéfices réalisés sur les contrats d’assurance contractés et qui est différée et progressivement reportée au revenu sur la durée de vie estimée des contrats d’assurance.
Le ministère des Finances avait déjà publié un communiqué dans lequel il appuyait l’utilisation de la comptabilité selon l’IFRS 17 afin de déterminer le revenu aux fins de l’impôt. Toutefois, il avait indiqué que la MSC ne serait pas traitée comme une réserve déductible aux fins de l’impôt. Dans le budget fédéral de 2022, le ministère des Finances maintient sa position quant aux modifications d’allègement.
Dans le cadre du budget, la MSC ne serait pas déductible aux fins de l’impôt pour les assureurs-vie (à l’exception de la MSC associée à des réserves de fonds distincts, qui seront entièrement déductibles), les assureurs hypothécaires et les assureurs de titres. Néanmoins, le budget permettrait que 10 % de la MSC associée à des contrats d’assurance-vie (autres que les réserves déductibles à l’égard des fonds distincts), d’assurance hypothécaire et d’assurance de titres soit déductible. Cette déduction vise à refléter les futures charges non attribuables qui sont incluses dans la MSC. La portion déductible de 10 % serait alors incluse dans le revenu aux fins de l’impôt au moment où des charges non attribuables sont engagées à l’avenir.
Les mesures relatives à l’IFRS 17 prévoient également trois règles de transition :
- Une période de transition de cinq ans serait prévue pour alléger les incidences fiscales de la conversion des réserves d’assurance de la norme IFRS 4 à la norme IFRS 17, y compris la partie non déductible de 90 % de la MSC au moment de la transition.
- Une période de transition de cinq ans pour les ajustements potentiels de l’évaluation à la valeur de marché de certains actifs à revenu fixe découlant de l’adoption de l’IFRS 9.
- Une déduction transitoire relativement au reclassement de certaines réserves de contrats d’assurance en vertu de la norme IFRS 4 à des contrats de placement en vertu de la norme IFRS 17. Une déduction pour le montant du contrat de placement serait permise étant donné que les primes de ces contrats étaient initialement imposées.
Le traitement fiscal actuel des contrats d’assurance générale serait maintenu selon le principe que la réserve de la MSC est largement insignifiante en raison de la nature à court terme de ces contrats d’assurance. Une période de transition de cinq ans est toutefois possible pour alléger les incidences de la conversion de l’IFRS 4 à l’IFRS 17.
L’impôt fédéral de la partie VI de la LIR pour les grandes institutions financières serait également modifié pour tenir compte de l’érosion possible de l’assiette fiscale du fait des changements apportés aux états financiers par l’IFRS 17. Pour les assureurs-vie, la MSC non déductible et le cumul des autres éléments du résultat global devront être ajoutés à l’assiette fiscale, et les actifs d’impôt différé ne seront plus déduits.
Les mesures proposées, y compris les règles de transition, s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2023.
Mesures anti-évitement
Transferts d’actions intergénérationnels
L’article 84.1 de la LIR est une règle contre le dépouillement de surplus visant à empêcher l’extraction des surplus d’une société sous forme de gain en capital qui s’appliquait souvent dans le cas du transfert intergénérationnel d’actions d’une société. Le 29 juin 2021, le projet de loi émanant d’un député C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale), a été sanctionné. Le projet de loi C-208 prévoyait la modification de l’article 84.1, notamment l’introduction d’une exception à son application dans le cas de certains transferts intergénérationnels. Le budget de 2022 indique toutefois que cette exception pourrait permettre involontairement le dépouillement de surplus sans exiger la réalisation d’un véritable transfert intergénérationnel d’entreprise.
La ministre a annoncé qu’elle amorçait un processus de consultation afin de solliciter les commentaires des contribuables sur la façon dont les règles actuelles pourraient être modifiées pour faciliter les véritables transferts intergénérationnels d’entreprises tout en préservant l’intégrité du système fiscal. Selon le budget de 2022, des propositions législatives visant à régler ces problèmes pourraient être présentées à l’automne 2022.
Règle générale anti-évitement
En 2018, la Cour d’appel fédérale (dans l’affaire 1245959 Alberta Ltd. c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 114 [Perry Wild]) soutenait que les opérations ayant pour effet de modifier des attributs fiscaux ne généraient pas d’« avantage fiscal » selon la règle générale anti-évitement (la « RGAÉ ») tant qu’elles n’étaient pas appliquées ou utilisées à des fins de réduction, d’évitement ou de report d’impôt. Cela signifiait que l’ARC, lorsqu’elle établissait un avis de détermination à l’égard d’un attribut fiscal, ne pouvait appliquer la RGAÉ pour ajuster cet attribut.
Dans le budget de 2022 et l’avis de motion de voies et moyens s’y rapportant, il est proposé, pour les besoins de la RGAÉ, de modifier la définition d’« avantage fiscal » afin d’y inclure la réduction, l’augmentation ou la préservation d’un montant qui pourrait, ultérieurement, être pris en compte dans le calcul de l’impôt d’un contribuable (ou d’un autre montant payable par celui-ci en vertu de la LIR) ou d’un montant lui étant remboursable.
Cette mesure entrerait en vigueur le 7 avril 2022. Elle s’appliquerait néanmoins de façon rétroactive aux opérations réalisées avant le 7 avril 2022 et visées par un avis de détermination délivré par l’ARC après le 6 avril 2022, sauf si tous les droits d’opposition et d’appel relativement à la détermination ont été épuisés.
Mesures fiscales pour les particuliers et les fiducies
Taux d’imposition des particuliers
Le budget ne comporte pas de modifications des taux d’impôt sur le revenu ni des tranches d’imposition des particuliers. Les tranches d’imposition continueront d’être indexées au taux de l’inflation. Se reporter au tableau C pour connaître les taux fédéraux de 2022 et à l’annexe pour connaître les taux marginaux combinés les plus élevés par province et territoire.
Tableau C – Taux fédéraux d’imposition des particuliers